Jiminy, dès qu'un maire, le premier magistrat de la commune, manque à son devoir de réserve envers toutes les religions, devoir que lui prescrit la loi de séparation des églises et de l’État de 1905 - et c'est le cas du maire de Paris quand il organise une fête à l'occasion de la fin du Ramadan -, il ouvre la boîte de Pandore des revendications des communautés religieuses.
En effet, pourquoi célébrer la fin du Ramadan, et ne pas fêter la fin du Carême ?
Bref, l'on voit à quelles dérives sociales conduit la conception élastique de la laïcité institutionnelle qu'ont des membres éminents du Parti socialiste, comme Bertrand Delanoë. Ils appellent cela "la laïcité ouverte".
Une fête dédiée à un événement musulman, fête tгаvеstіе sous des déguisements qui ne trompent personne, et surtout pas un abbé catholique, est une atteinte à la laïcité ; fêter la fin du Carême serait une autre atteinte à cette même laïcité institutionnelle.
Déplorons cela, et souhaitons à tous les croyants qu'ils n'aient pas besoin de l'intervention de l’État - à quelque niveau que ce soit - pour célébrer leur culte : après tout, il y va de l'indépendance de leur foi, et de la liberté de croyance que leur garantit la loi de 1905.
Et, à la place de l'abbé, avant de réclamer l'intervention de la municipalité dans le cours de l'année liturgique catholique, je prendrais garde à ce que l’État - à quelque niveau que ce soit - ne mette pas son nez dans ma croyance, et donc que la municipalité s'abstienne de favoriser le culte catholique à Paris.
L'on envisage toujours la loi de 1905 comme une garantie pour la République, la garantie d'un espace institutionnel neutralisé d'un point de vue religieux.
L'on oublie toujours le premier point : la laïcité garantit la liberté de conscience, donc de croyance et de culte, protégeant cette liberté individuelle des visées rien moins qu'intéressées des hommes et femmes politiques.Citation :
"TITRE PREMIER
Principes.
ARTICLE PREMIER. - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
ART. 2.- La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (...)"
Un renvoi au texte complet de la loi de séparation des Églises et de l’État, de 1905 :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/sommaire.asp------------------------------------------------------------------------------------------
Je suis d'autant plus intéressé à un strict respect de la laïcité que, athée, je reconnais à mes concitoyens croyants - sans réserve aucune - leur liberté de culte.
J'attends d'eux qu'ils reconnaissent, selon les termes de la loi, ma liberté de ne pas croire, l'incroyance représentant un courant de pensée longtemps réprimé en France par un État - celui de la monarchie absolue - en cheville avec une religion d’État, nommément le catholicisme romain.
Oui, l'athéisme est une tradition ancienne, de deux millénaires et demi au moins (Protagoras d'Abdère), tradition de pensée tout aussi fondatrice que le catholicisme, bien que réduite à la clandestinité.
A ce propos, je renvoie au livre passionnant de l'historien italien Carlo Ginzburg, "Le fromage et les vers : l'univers d'un meunier du XVIe siècle", qui nous rapporte comment un meunier frioulan, nommé Menocchio, concevait, au seizième siècle, la venue au monde de toutes choses par la fermentation ; ce meunier fut brulé par l'Inquisition, après qu'elle ait consigné dans ses procès-verbaux le matérialisme absolu de cet homme : même Dieu et les anges étaient sоumіs au régime de la naissance par fermentation, ce qui - évidemment - les privait de la magnificence de la transcendance.