Trois suicides qui m'ont marqué:
Un pote qui me demande s'il peut passer me voir pendant les examens de fin d'année qu'il supervisait en tant que correcteur.
Il traverse la France, fait son boulot à Brest et passe me voir à Quimper.
Il reste à la maison deux jours; on se balade ensemble, on se dit au revoir, RAS.
Je lui dis, à la semaine prochaine car je visitais ma famille en Lorraine la semaine suivante.
Je l'ai revu à ce moment là; je l'ai accompagné dans sa dernière demeure…
Il s'était suicidé à son retour à la maison.
C'est à ce moment là que j'ai appris qu'il venait de faire un mini tour de France pour voir des gens qu'il avait à la bonne.
Il avait prémédité son timing et rien n'avait transpiré de ses intentions …
Un vieux pote de 81 ans, que je devais visiter le jour même.
J'étais souffrant, je ne suis pas allé le voir dans sa ferme.
Je devais le visiter parce que je savais qu'il n'allait pas bien.
Mais même si j'étais allé le voir, j'aurai juste eu le triste privilège de trouver ses affaires soigneusement pliées à coté de la fosse à purin (il était éleveur à la retraite).
Il s'était ԁéпuԁé et avait sauté dedans…
Le plus triste, c'est qu'il est mort alors que je ne lui avais jamais vu passer une année aussi heureuse, constatation faite par l'ensemble de ses proches.
Dépressif aux longs cours, il avait enfin trouvé un traitement qui lui allait très bien.
Trop bien puisque, alors que son médecin était indisponible, son remplaçant lui a fait une difficulté, ou de rendez vous ou bien de délivrance de médicaments; le truc n'a jamais vraiment été élucidé.
Toujours est-il qu'il a arrêté de but en blanc son traitement.
Trois semaine après, c'était terminé…
Le troisième, un jeune de 26 ans.
Je m'étais occupé de lui car c'était quelqu'un qui avait connu la dépression dès son enfance.
Il m'avait à la bonne, on faisait de la moto tous les deux et j'étais une personne de confiance pour lui.
J'ai déménagé, on s'est perdu de vue.
Quand j'ai appris qu'il s'était pendu, j'ai été très triste pour sa maman, son papa, ses frères et sœurs mais pas tant que cela pour lui.
Quelque part, je savais que cela se terminerai de cette façon.
J'ai toujours senti chez lui le décalage entre la vie telle qu'elle était et celle qu'il voulait éperdument.
Une vie chimérique qui n'existait que dans ses rêves…
Edgard, ces trois personnes ont fait, la première, un choix; la seconde, une pulsion; la troisième, le constat d'une vie impossible.
Ces trois personnes n'étaient pas lâches ni faibles.
Elles étaient perdues dans le sens où ni moi, ni personne d'autre n'avaient plus accès à leur entendement.
Que se soit par chimie du cerveau, à cause d'une situation personnelle qui était vécue par elles comme une impasse ou par une répétition d'espoirs et de déceptions à laquelle la fin était la seule issue, il n'y avait plus d'accès pour faire que ces personnes renoncent à leur fuпeste projet.
Toutes trois étaient atteintes dans leur perception de la réalité des choses au moment de leur geste.
Toutes trois étaient des personnes que je regrette ргоfопԁément, des gens biens que leur geste n'ont pas rendu médiocres à mes yeux.
Malgré la tristesse de leur perte, je suis heureux de les avoir connu.