Je suis d'accord, Alison-Emma, je m'éloigne de ma rhétorique hasardeuse, et m'approche de moi-même.
Ton image de la flèche et de l'arc est juste.
Sentir ma tension, ne pas la draper de mots faux, ne pas l'esquiver, m'y abandonner et ne pas l'abandonner.
Il y a là une nécessité qui est celle-là même du Fado !
Climax
Dans le Fado la beauté de la phrase se s'applique pas à sa raisonnance mais à la simplicité authentique de ce qu'elle exprime.
Point de belles rimes (ça c'est en français) mais des mots de valeur, ceux de la terre, de la foi (oui je le dis), ceux de l'amour et de l'espoir qui ne courbe jamais l'échine, ceux des pauvres gens, et des couleurs, des parfums, des bruits de la vie simple. Un peu (ne fait pas de bon) comme un language empreint de coranisme ou celui d'un curé de campagne. Ce qu'exprime le Fado c'est la vie sans fard et sans chiquet mais toujours cette joie empreinte de nostalgie. La vraie vie, le traval, la patrie, la joie méllée de peine, l'espoir, la mort...
A ce titre j'ai beaucoup aimé ton passage sur le cordonnier, là, tu y étais ! (dans les deux sens du terme), car le Fado c'est aussi être ce qu'on chante...
Simon a regretté, toute sa courte vie (il est mort à cinquante-cinq ans) de ne pas être cordonnier comme son grand-père ; et sa débauche d'achats en chaussures ne pouvait certes pas rassasier ce qui était son désir d'enfance, à tout jamais compromis.
Il en aura gardé l'appréciation du travail bien fait, du tapis de Perse ou du Maroc bien cousu, des sacs de femme en cuir de crocodile ou de serpent (du haut de gamme) lustré et ciré par ses soins, l'amour de la statue africaine au profil distant qui accepte les offrandes, l'amour de ces vіегgеs chrétiennes pas forcément saint-sulpiciennes, l'amour de ces mille objets dont les poupées africaines en bois ornées d'une inclusion de pierre, l'amour du petit cheval de style dogon portant un homme manchot au sourire sans description possible (et dont il m'aura dit "C'est toi, maintenant, qui en es responsable").
Mon Simon, il me manque, même si ce n'était plus possible - parce que, entre autres, je ne pouvais pas continuer à assister, inerte, à son suicide par anorexie -, il me manque.