- 22 septembre 2014 à 20:14
Cette femme, plus que son époux, était avertie des arts contemporains ; c'était une amoureuse ; elle aura tendrement, et toute sa vie, aimé son diable de mari, auquel elle aura beaucoup sacrifié, à un point extrême.
L'initiale J. marque le prénom d'une personne qui a tenu un grand rôle dans leur vie et dans celle, courte, d'un de leurs fils.
Autre indice : la femme qui écrit a l'habitude d'employer des abréviations.
De plus : l'étonnement devant l'abondance des choses à Paris !
Encore un indice : l'indication d'une œuvre de Louis-Ferdinand Céline (cette mention est rattachée à un fait de la vie de son époux, qui s'intéressait aux mode de vie et à la culture, au sens large).
Par ailleurs, je vous laisse lire.
SVP : évitez les passages à la moulinette de Google, et d'autres moteurs de recherche qui croisent les informations, mais ne pensent pas. Et puis, comme cela, ce n'est pas de jeu ! Ah mais !
Je vais omettre les prénoms, trop parlants.
""Le 3 Octobre [1933],
Mon cher [....], il me semble incroyable que je sois depuis si longtemps loin de toi. Mon chéri, mon chéri, tout le temps je te vois en pensée passer de ta chambre à la mienne sans m'y trouver. Tu te couches seul, tu te lèves seul. Toujours seul, mon chéri est sans moi, et moi je suis seule ; je t'écris аu lіt, et je pleure... Tu te sens mal, pire que jamais. Un tel nœud s'est serré. Quand il y a quelque chose d'intéressant ici, je voudrais que nous le voyions ensemble, toi et moi... Je le veux si fort que ça me fait terriblement mal, que tu ne sois pas ici. Et quand il arrive quelque chose de pénible et de mauvais, alors je pense combien cela te serait encore plus difficile à supporter ! Quelle vie nous avons vécue ensemble ! C'est devenu une situation si embrouillée que nous n'avons pas la possibilité de revenir en arrière à travers ce que nous avons parcouru, pour retrouver la simplicité d'autrefois, "dans une seule chambre". Mon chéri, j'ai toujours l'impression que tu es angoissé et que tu n'es pas du tout en bonne santé. La musique apporte peut-être de la joie, même quand elle donne епvіе de pleurer. Demande au cam[arade] Schm. de jouer du Mozart ; il y a chez lui des choses remarquables par la force, mais tout à fait simples. Il [Schmidt] les connaît, sans doute. Je n'ai pas du tout réussi à aller entendre de la musique. Si nous ne nous installons pas trop loin, le cam[arade] Sch. viendra peut-être chez nous [de temps en temps], au cas où il n'habiterait pas chez nous. Je t'écris аu lіt, car je suis un peu fatiguée ; aujourd'hui j'ai été à l'hôpital ; je te l'ai écrit de la poste, debout, sans lunettes ; je crains qu'il ne te soit difficile de déchiffrer quelque chose. Dans une lettre que j'envoie à J. (lis-la), je lui écris sur l'hôpital, je ne veux pas me répéter. Que c'est parfois étrange pour moi d'être à Par[is], dans ses rues, seule ! Comment cela s'est-il fait ? Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi seule ? Quelle énorme ville ! Comme il y a de tout, de tout ! Aujourd'hui, je suis passée par la rue Bonaparte, où presque tous les magasins sont des librairies, des galeries d'art ou des boutiques d'antiquaires. Des meubles anciens... Des tissus anciens. Des gravures. L’École des beaux-arts est là aussi ; c'est un magnifique édifice, la cour est une vraie merveille. Mais les gens sont sombres. Tout cela ne leur donne pas de joie. Il y a une telle disparité entre eux, d'une part, et, de l'autre, leurs possibilités et ce qui les entoure. Et aujourd'hui, à l'hôpital, il y avait de pauvres gens, malades, geignant, des enfants qui pleuraient et ceux qui les soignaient, leur posant des questions, leur donnant des conseils, etc., pitoyables aussi ; que peuvent-ils faire ?.. Vient de sortir le livre de Céline, "L’Église", je l'ai vu dans une vitrine, rue Bonaparte.
Et que fais-tu, mon petit, mon chéri, mon bien-aimé ? Es-tu assis dans le fauteuil ou es-tu sur le lit, en train de m'écrire peut-être ? Peut-être pleures-tu comme moi... Dans quatre ou cinq jours. Porte-toi bien, sois tranquille, mon [j'omets le prénom du destinataire, qui apparaît ici sous la forme d'un hypocoristique - un diminutif de tendresse],
Ta N. [Je vous donne l'initiale du prénom de cette femme],
Je n'ai presque pas dormi, je dormirai bien ce soir, je prendrai quelque chose.
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Autre indice : Paris est une ville nouvelle pour cette femme, sensible tant à la beauté des choses qu'à la misère des êtres humains.
Dois-je écrire que le ton de cette lettre n'est pas du tout en concordance avec la représentation qu'habituellement l'on se fait du destinataire ?