Sur ce site, je lis beaucoup mais écris rarement. Ayant fort peu participé au forum, et ayant réduit cette maigre ébauche d’investissement personnel à sa portion congrue, j’ignore pourquoi je ressens le besoin de ramener ma fraise par ici. Je pense qu’une fois déroulé, le fil de ma pensée sera entortillé autour d’un lourd pavé. Il est, en effet, difficile de résumer.
Bref, je le fais. Selon moi, il est inepte de croire que « la liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Dans ce cas, chacun définit ce qu’est sa propre liberté et pousse sans cesse des cris d’orfraies, se sentant sempiternellement atteint dans des droits qu’il s’arroge lui-même. Celui qui jappe le plus fort, ou celui qui a le plus d’influence, est capable de borner ce qu’est sa propre liberté et d’en réclamer le respect, tandis que les plus timides ou les plus blasés se laissent allégrement piétiner, insulter ou moquer.
Heureusement, le site Tongay n’adopte pas cette conception « anti-libertaire » de la liberté vue comme un pur pouvoir de faire, et surtout de faire interdire. En réalité, la liberté n’a de sens que dans la mesure où elle s’exprime dans le cadre des règles chargées d’en définir les contours et d’en déterminer les conditions. Elles sont les mêmes pour tous, indépendantes des velléités et des désidératas des uns ou des autres, pris individuellement. Telle est la raison d’être de la charte d’utilisation, à laquelle nous devons adhérer lors de notre inscription. Elle ne nous convient pas ? Elle viole « à sec » l’idée que nous nous faisons de notre liberté d’expression, et de nos droits ? Dans ce cas, ne nous inscrivons pas, ou désinscrivons-nous. Á quoi cela rime-t-il d’utiliser une liberté d’expression acquise – et dont on a accepté les règles du jeu – pour mieux se plaindre d’en être privé ?
Cela dit, je ne donne pas nécessairement tort aux membres qui se sentent frustrés par la tournure prise par la modération. Si la rigueur dans l’application de la charte est l’honneur du modérateur, le rigorisme en est la flétrissure. En publiant sur le forum, on souhaite échanger, convaincre, rire avec les autres, mais on doit accepter le risque de s’attirer l’opprobre, d’être vexé et insatisfait des réponses. Je ne crois pas que la modération soit présente pour juger du tact des membres, et pour censurer ceux qu’elle en juge dépourvu. Tout juste, dans cette situation, l’administration est-elle fondée à intervenir en guise d’amiable compositeur.
D’évidence, certains sujets sont creux ou abscons ; pourquoi les membres devraient-ils choisir de se taire, plutôt que de le faire remarquer ou de les railler, avec leurs mots, tant que ceux-ci ne sont pas insultants. On peut faire remarquer que des propos sont stupides ou vides, sans porter atteindre à l’intégrité morale d’un forumeur. On n’est tout de même pas obligé de se faire l’écho du fameux « Roule torrent de l’inutilité ! » déclamé par Don Alvaro, dans la pièce de Montherlant, pour signifier son désintérêt pour un sujet du type « je_raconte_le_vide_ intersidéral_ de_ma_life.com ».
Les « сul » et « Ьіtе » sont des mots grossiers, mais leur utilisation n’est pas nécessairement outrageuse. En tout état cause, le terme entier est moins puéril, et préférable à ceux de « Ԛ » ou « b*** ». Tout l’art du modo est de contextualiser en son âme et conscience, avant d’utiliser les ciseaux, quitte à frustrer les mécontents chroniques qui se complaisent à vilipender une censure à deux vitesses.
J’ai lu des réponses effacées pour violation de la charte sans y avoir décelé de quoi fouetter un chat, ni même un manquement évident au règlement. De même, j’ai lu des réponses censurées, qui ont mérité la sanction, et bien plus encore, alors que le membre – ouvertement de mauvaise foi – brandissait l’étendard de la Liberté assassinée.
Je pense que si chaque « clan » accepte de faire preuve de pondération, tout peut entrer dans l’ordre. Aucun des deux partis n’a entièrement tort, ni totalement raison à mes yeux. Quoi qu’il en soit, l’administrateur est dans une position d’inconfort permanent. Il est responsable de son site, et notamment responsable lorsque par son abstention coupable, il laisse sur le forum des propos qui enfreindraient le droit. En bonne logique et même en toute légitimité, c’est à lui de décider comment la modération doit s’opérer. C’est ensuite à nous de rester ou de partir, si nous sommes mécontents. Le forum et le site survivront.