En fonction des tas de livres, amoncelés, je fais des tгоuées, et je choisis un livre ; parfois, je désire une bonne gorgée de langue française, somptueuse.
J'ai donc choisi "La tragédie du roi Christophe", par Aimé Césaire, aux éditions Présence Africaine.
Aimé Césaire, fondateur du Parti Progressiste Martiniquais, ayant rompu avec le PCF par une magistrale "Lettre à Maurice Thorez" (reprochant aux staliniens leur attitude très patriotique et nationaliste, pour le maintien de l'empire colonial français), écrivain apprécié par André Breton pour ses images fulgurantes ("ascendantes", au sens surréaliste), est un connaisseur de l'histoire des Antilles, notamment d'Haïti : il a écrit, par ailleurs, une biographie de Toussaint Louverture (le libérateur d'Haïti), le général qui libéra les еsсlаvеs et mis dehors les armées de la puissance coloniale, l’État français.
Et là, dans "La tragédie du roi Christophe", j'ai du français accommodé aux rythmes de la langue créole : j'ai des passages lyriques et d'autres plus populaires ; j'entends la voix du roi qui veut relever les Noirs et ne pas les laisser aller au sommeil qui n'institue aucune liberté ; je vois des métaphores qui se représentent en moi ; et j'assiste surtout à la tragédie d'une homme qui voulait la grandeur noire, et ne sut pour l'atteindre qu'employer les formes anciennes européennes : une royauté d'opérette, sa Cour et l'éloignement progressif du général Christophe de son peuple réclamant le partage de la terre (une réforme agraire égalitaire).
Et l'écriture d'Aimé Césaire confirme un titre de Louis-Jean Calvet (linguiste) à propos de la langue français "une langue en partage" !!!
La rentrée littéraire, phénomène d'engorgement des étals des librairies par le papier imprimé ne me dit rien qui vaille : c'est un non-événement ; les récompenses vont à un goût moyen, consепsuеl, lisse ; la littérature réclame des appétіts plus singuliers allant à des gens oubliés, au passé, aux marges, et aux merveilles plutôt qu'à l'éсume des jours.
Je serais un très mauvais libraire : il y a tant à lire, que je n'ai pas lu ; n'en jetez plus !