Depuis 2012, c'est le débat dont on ne doit pas prononcer le nom. Les 3 lettres de l'acronyme GPA (gestation pour autrui), pratique consistant à faire appel à une femme porteuse pour accéder à la parentalité, et, dans le cas d'un couple gay, à recourir à un don d'ovocyte, sont impossibles à prononcer depuis le débat sur le mariage pour tous et les cortèges homophobes qu'il a chariés. Et voilà comment depuis 10 ans déjà, par un manque de courage des politiques assez peu aiguillonnés par des militants éсhаuԁés, le dossier et les questions éthiques vertigineuses qu'il pose ne sont même pas abordées.
"Actuellement, ni les couples hétéros ni les couples homos n'ont accès à la GPA", souligne Lucie Jomat, présidente de SOS homophobie, qui, soucieuse de ne pas diviser l'association, résume l'indécision générale sur ce dossier : "est-ce aux asdos LGBTQI+ de porter ce débat ? Est-ce le moment de le faire ?"
Délicat, le sujet divise au sеіп même du tissu militant. Dès 2014, après la victoire du mariage pour tous, la GPA a fissuré l'unité de façade de l'inter-LGBT. À l'époque, la coordination lesbienne, qui a voté sa propre dissolution en 2017, claque même la porte. Résultat, aujourd'hui, les grandes associations de la fédération ne la revendiquent pas et se contente de réclamer la filiation automatique des enfants nés d'une GPA à l'étranger. Seule l'association des familles homoparentales et l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens demandent explicitement la légalisation de la procédure en France.
Deux arguments verrouillent principalement ce débat interdit. Le premier pointe une énième utilisation du corps des femmes par des hommes, tandis que le second reproche à la GPA de n'être accessible qu'à des couples aux moyens financiers conséquent, ce qui représenterait une injustice sociale. Deux interrogations légitimes qui n'ont jusqu'à présent fait l'objet d'aucune contre-argumentation sérieuse. Et s'il est bien une règle qui s'applique à l'histoire des luttes LGBT, c'est que les droits s'obtiennent les uns après les autres. Or, l'ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes, promesse de Macron, aura mis un quinquennat à voir le jour. Autant d'années durant lesquelles les associations ont dû se mobiliser sur ce dossier, négligeant celui de la GPA, qui s'annonce plus ardu que ceux du mariage et de la PMA réunis.
D'ailleurs, soyons lucides, un gros travail concomitant de réflexion et de pédagogie sera nécessaire à l'ouverture d'un débat constructif sur une éventuelle autorisation de la GPA en France.
Aujourd'hui, me si les données manquent, les associations de familles rapportent de façon empirique que la majorité de GPA réalisées par des français à l'étranger sont le fait de couples hétéros où les femmes sont infertiles. Des situations pour lesquelles la GPA est le plus souvent pratiquée par sororité.
Quant aux GPA éthiques légalisées dans d'autres pays, elles nécessiteront d'être minutieusement examinées. Au Canada, par exemple, la GPA ne peut avoir qu'une visée altruiste et non commerciale, ce qui, concrètement, signifie qu'avant de s'engager dans un parcours, une femme souhaitant porter un enfant doit disposer de revenus stables.
Du temps sera indispensable, en particulier pour écouter les premières concernées, partout dans le monde. À l'image de l'américaine Alexandra Allen qui, en 2019, disait simplement :"être femme porteuse m'a rendue très heureuse.", in fine, c'est bien de la liberté absolue des femmes à disposer de leur propre corps qu'il est à nouveau question !!!